mardi 24 février 2009

POEME Murièle "D'un parapet, notre portrait"

Préalable d’une thérapie

C’est ainsi qu’un trou m’apparaît, plus large que la création.
Me faut-il faire de mes souvenirs un allier moribond
Qui me tiendrait à chaque traversée pieds et poings liés
Et barderait de clichés cléments ma vision démente ?
Cette fosse, me faut-il l’emplir ou la laisser béante
Quitte à n’en voir s’écouler que du temps chapardé ?
Et l’on compte les secondes comme des faux billets.
C’est ce va et vient qui occupe ma vie de trotteuse.
Entre le 12 et le quart, une éternité voyageuse.
Dans le trop plein ou le trop vide, l’on trouve toujours à s’ébattre,
A se dérégler, sans penser qu’un lendemain d’albâtre
Puisse jamais rendre conscient ce que nos peurs enfantent.
Lorsque les 12 coups sonnent, là je m’étonne, d’être vivante.

Pour le reste, je suis ce trou qui ne cesse de croître en stupeur
A la rattrape de ses origines, fussent-elles encore dans l’orifice. J’ai peur.

Se souvenir pour ne pas refaire les mêmes erreurs, les mêmes erreurs ?
S’épancher sur les longueurs passées à délaver ses pleurs ?
Couler comme le sable étranglé du sablier ? Quelle importance ?
Se souvenir pour saluer l’ancêtre qui tua son ombre cousine ?
Etre choqué quand le pendu nous tire la langue en révérence ?
J’ai froid dans le dos. Son doigt m’assassine.

Se souvenir pour cueillir l’aubépine aux fronts des Jésus,
En verser les sangs mêlés dans la coupe trop pleine
Et abreuver nos mémoires de pensées obscènes ?
Se souvenir deux fois plus lorsque l’on a trop bu.

L’Homme ne se souvient pas. Il piétine son Moi qui s’émiette.
Il égalise, il délimite, il poussetoidlàquejmymette,
Il écrit, il invente, il gère, il idéalise, trop tard il regrette,
Il prétend, il croit, il décroit, il se complait, il espère grandir,
Il lui arrive même d’analyser son lui-même, de ressentir,
De s’auto retourner, de comprendre, de penser, de dire,
Mais l’Homme ne se souvient pas. Il soupire, mais rien au monde
N’aidera sa mémoire à dépasser la seconde,
Ni sa manman qui le gronde, ni même sa faconde.

Il apprivoise un regard sans relief et une tenue en laisse
Qui ne laisse aboyer que les morts et leurs héritiers.
C’est dire si le silence est râpeux et si l’âme s’affaisse
Lorsqu’il ne nous reste que l’écuelle de nos crânes à lécher.

Mais il est toujours une larme aux reflets de cristal
Un espoir qui oublie de sécher sur la margelle du puits
Et attire la pie Ying Yang qui s’en régale.
C’est mon heure : la trotteuse trébuche et va mourant
Sous son cadran cercueil qui fut un temps son carcan.

C’est ainsi que la mort est une grande amnésie aux yeux de ceux qui ne croient.
Pour les autres, elle est un trou de mémoire entre l’avant et l’après.
J’emporterais bien mes bas de laine et mon Opinel, ma myrrhe et ma croix
Si là-bas il nous faut encore survivre et contempler d’un parapet
Notre effroyable humanité qu’un créateur signa et baptisa «Autoportrait».

Murièle

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